#Vivants ! Paroles de confinés

J’ai envie de vous par­ta­ger la joie d’un coup de télé­phone il y a 2 jours. Pen­dant 20 ans j’ai exer­cé une acti­vi­té pro­fes­sion­nelle aux côtés des plus dému­nis. Nos bureaux étaient alors dans une petite cité HLM où nous occu­pions 2 appar­te­ments. J’ai pris ma retraite il y a bien­tôt 3 ans. Quelle n’a pas été ma sur­prise ven­dre­di d’a­voir un appel de Zakia, une femme algé­rienne qui habi­tait au des­sus de nos bureaux. Elle savait la place de la prière dans ma vie de chré­tienne, nous en avions sou­vent échan­gé, et elle vou­lait entendre ma voix et avoir des nou­velles avant de com­men­cer le Rama­dan dans le confi­ne­ment pour que nous puis­sions nous sou­te­nir… Donc même le méchant virus n’a pas réus­si à nous sépa­rer et nous res­tons en com­mu­nion, enri­chies par nos dif­fé­rences. Nicole.

Dans notre immeuble, dès l’an­nonce du confi­ne­ment, une famille de loca­taires, avec la plus grande sim­pli­ci­té a appo­sé dans le hall une affiche libel­lée comme suit : « tout le monde ! En cette période de confi­ne­ment, il faut être soli­daire. Vous le savez , je tra­vaille chez Auchan, et à ce titre je peux sor­tir tous les jours. N’hé­si­tez pas à me deman­der de récu­pé­rer vos courses au drive ou de vous dépan­ner sur quelques courses » Suivent : nom, télé­phone, mail… Hélène.

Emma­nuelle, notre fille en sor­tie auto­ri­sée, a croi­sé une de ses rela­tions qu’elle connais­sait un peu, pro­fes­seur de danse comme elle. Cette per­sonne était très en peine pour plu­sieurs rai­sons dont le confi­ne­ment. Après une brève, mais cha­leu­reuse conver­sa­tion, l’autre s’est mise à pleu­rer et lui a dit, sur le champ, aller beau­coup mieux. Notre fille était heu­reuse de nous en faire part et de par­ta­ger sa joie. Hélène.

Confi­née, moi aus­si, depuis 40 jours et limi­tée dans mes dépla­ce­ments vu mon âge, j’es­saie de main­te­nir des liens par télé­phone avec les per­sonnes que je sais seules, malades ou en peine. Les rési­dents du Foyer de la Mar­rière souf­frant de leur confi­ne­ment, les per­sonnes à qui je por­tais la com­mu­nion, un voi­sin qui fête aujourd’­hui ses 92 ans, une per­sonne en mai­son de conva­les­cence qui vient de perdre son mari et que je récon­forte dans sa peine et d’autres voi­sins du quar­tier. Je les assure de ma prière fra­ter­nelle et leur donne une parole d’es­pé­rance. Ber­na­dette.

Ma fille s’est sépa­rée de son com­pa­gnon et vit avec ses deux petits enfants dans un deux-pièces-cui­sine. Sans jar­din et les parcs fer­més, le confi­ne­ment est par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile à vivre. Elle a donc pris la déci­sion de retour­ner vivre dans la mai­son avec jar­din de son ex-com­pa­gnon. Les enfants sont bien sûr hyper-contents sur­tout que les rela­tions entre les 2 parents sont moins ten­dues. Ils ne revi­vront peut-être pas ensemble mais ils apprennent à s’ac­cep­ter dans leurs dif­fé­rences – pour le bien des enfants. Allé­luia ! Yves.

J’ha­bite un appar­te­ment dans un groupe de 3 petits immeubles. J’ai la chance d’être en rez-de-jar­din avec une ter­rasse et de la ver­dure. À côté, un couple avec une petite fille de 4 ans, est arri­vé depuis quelques mois. La jeune femme, tout natu­rel­le­ment, m’a pro­po­sé de faire des courses ; moi de mon côté, voyant que la petite fille arro­sait ses plants de frai­siers avec une boîte de conserve, je lui ai don­né un petit arro­soir. Quelques jours plus tard, Lili m’a appor­té des brins de muguet. Cela m’a tou­ché. Anne.

Dans les immeubles, on prend le temps de dis­cu­ter entre voi­sins, sur la ter­rasse ou dans les esca­liers (en gar­dant les dis­tances…). Des liens se ren­forcent ou se créent. Cela rejoint notre pro­jet parois­sial : prendre soin les uns des autres. D’autre part, je reste en lien télé­pho­nique avec des per­sonnes ren­con­trées au Secours Catho­lique. Musul­manes, elles ont com­men­cé le rama­dan. Cette période de regrou­pe­ment pour par­ta­ger, n’est pas très facile à vivre en cette période de confi­ne­ment. Elles m’en parlent et cela me per­met de conti­nuer à être pré­sente auprès de ces femmes et comme tu le dis Nicole, enri­chie par nos dif­fé­rences. Anne.

Pour moi, cette image avec toutes les per­sonnes avec leurs mains reliées par une image en fai­sant le cœur comme sym­bole ! Ça repré­sente l’har­mo­nie de la per­fec­tion si tout le monde s’entendait… Si tout le monde était lié par le sens (res­pec­tueux) et l’a­mi­tié, tout le monde fini­rait heu­reux… Il n’au­rait plus de place dans le cœur pour toutes choses mau­vaises… Dans ce cas-là tout le monde serait en paix (en soi) en voyant toutes les qua­li­tés des per­sonnes tôt ou tard… Benoît.

Les aumô­niers au centre de déten­tion du bou­le­vard Ein­stein ne peuvent plus entrer pour rendre visite aux déte­nus. Nous n’a­vons plus que les cour­riers pour res­ter en contact. Voi­ci les mots reçus d’un jeune homme (moins de 30 ans). Dans ce temps pas­cal il y est ques­tion de l’a­ve­nir, de don­ner le bon­heur, d’al­liance, d’es­pé­rance et de vie future : « En ce qui me concerne, je suis tou­jours confi­né dans le même endroit, dans ce lieu où les nom­breuses régle­men­ta­tions mises en place impactent tout le monde… ces nou­velles règles éta­blies pour le bien de tous imposent à cha­cun, cha­cune, de réflé­chir à soi-même. Je pense à la construc­tion de mon ave­nir qui ren­dra, je l’es­père, plus d’une per­sonnes heu­reuse. En ces jours de sain­te­té, un remède miracle va éclore. Res­tons sou­dés les uns aux autres par cette alliance qui nous appor­te­ra joie et bon­heur. Bien à vous, croyons ensemble en l’es­pé­rance de cette vie future. » Joël.

La phar­ma­cienne chez qui j’ai tra­vaillé pen­dant 20 ans et qui a main­te­nant 93 ans est ren­trée en mai­son de retraite depuis sep­tembre. En atten­dant les infos qui nous disaient l’i­so­le­ment des per­sonnes âgées, j’ai télé­pho­né pour avoir de ses nou­velles phy­siques et morales. Elle était heu­reuse de m’en­tendre et nous avons conver­sé un bon moment. À la fin de notre échange, elle m’a dit « Thé­rèse, je suis heu­reuse de vous entendre, ça me fait plai­sir, c’est comme une visite pour moi car les jour­nées sont longues sans sor­tir ». Thé­rèse.

Comme beau­coup, tous les soirs, nous sor­tons dans la rue pour applau­dir les soi­gnants et tous ceux qui nous per­mettent de vivre. Nous connais­sons bien toutes les per­sonnes qui habitent le même coté de notre rue, mais n’a­vons pas de rela­tions avec celles de HLM d’en face. Depuis le début du covid-19, nous nous retrou­vons ensemble pour applau­dir et nous nous fai­sons des signes ami­caux de la main en nous disant : « À demain soir ! » J’es­père que désor­mais nous nous recon­naî­trons à l’a­ve­nir. Thé­rèse.

Cette période de confi­ne­ment nous a per­mis de jouer à plus de jeux de socié­té et de par­ta­ger plus de moments en famille. Je me suis rap­pro­ché de ma petite sœur que j’aide à faire ses devoirs. On vit aus­si un temps de prière en famille grâce à la célé­bra­tion du same­di. Mer­ci ! Jean-Raphaël.

À cause du confi­ne­ment, la ren­contre « moment de bon­heur » a été sup­pri­mée. Quelles consé­quences pour les per­sonnes fra­gi­li­sées qui y trou­vaient là un vrai moment de « cha­leur humaine » ? Pour cer­tains qui souffrent de grave mala­die psy, le moment est dur, ils perdent le rythme habi­tuel, les contacts fami­liers. Cer­tains ne sup­portent pas la soli­tude, et tout en appli­quant avec sérieux les gestes-bar­rières, vont et viennent dans les rues, à pied, comme d’habitude. Deux ont été accom­pa­gnés aux urgences et pris en charge médi­ca­le­ment. Oui, le temps est dur pour tous, et spé­cia­le­ment pour cer­tains. Nous vou­lons les accom­pa­gner, les sou­te­nir et les aider à gar­der le moral. Dans ce contexte dif­fi­cile, d’autres uti­lisent effi­ca­ce­ment leur temps. L’un d’eux col­lec­tionne les des­sins de Jésus qui lui parlent. Il a accep­té de dire pour­quoi telle image lui plaît : Jacques.

Jésus avec une grande croix

Ma pho­to pré­fé­rée, on voit Jésus avec une grande croix, pour faire pas­ser les gens qu’on aime pour qu’ils nous voient… (Les gens sont pré­cieux ! Ils ont un cœur, dom­mage que la socié­té néglige ce point!!!). La vie est plus agréable quand on dis­cute et on ren­contre des gens, c’est mon point de vue. Mais dom­mage que dans ma vie que je sois tou­jours sépa­ré de ceux que j’aime depuis 10 ans etc… Pas facile… Benoît.

Dans ma famille, j’ai une cou­sine à laquelle je tiens beau­coup. Elle est reli­gieuse dans la congré­ga­tion des sœurs de la Pro­vi­dence de la Pom­me­raye et habite à Tours, iso­lée de ses sœurs, dans une rési­dence HLM. Elle est un bout en train, et mal­gré ses 89 ans, elle a tou­jours son franc-par­ler. Elle et moi sommes régu­liè­re­ment en contact soit par télé­phone, soit par cour­rier. Je lui fais « visi­ter » Nantes par carte pos­tale. Elle m’a affir­mé appré­cier cette visite vir­tuelle. La der­nière fois que je lui ai télé­pho­né, elle m’a dit « Oh ma petite Claire-Isa­belle, c’est la Pro­vi­dence qui m’envoie ce coup de télé­phone, car je n’avais pas encore ouvert la bouche depuis ce matin ! » Il était 10h30. Cet appel a rom­pu sa soli­tude. Même si je sais qu’elle n’est jamais seule 😉, je sais, qu’en tant que femme tou­jours en mou­ve­ment, elle vit dif­fi­ci­le­ment, la rup­ture, l’isolement et le confi­ne­ment. Le décon­fi­ne­ment et sur­tout la reprise des célé­bra­tions seront une libé­ra­tion pour elle. Je la confie à vos prières. Elle s’appelle Renée. Claire.

L’équipe St Vincent de Paul de la paroisse, qui accom­pagne des per­sonnes en pré­ca­ri­té du quar­tier, n’a pu pour­suivre une de ses acti­vi­tés essen­tielles d’aide ali­men­taire à cause du confi­ne­ment et sur­tout de l’âge avan­cé de la majo­ri­té des 6 béné­voles. Nous avons donc appor­té deux aides finan­cières, fin mars et fin avril, de 100€ par per­sonne, à chaque famille accom­pa­gnée. Une femme aidée, ori­gi­naire du Koso­vo, nous a don­né ce témoi­gnage : « Mer­ci beau­coup. Vous nous avez appor­té une très grande aide. Mes parents étaient venus nous voir en France début mars et mon père a été hos­pi­ta­li­sé 10 jours à cause du Covid. Après, une infir­mière est pas­sée tous les jours pen­dant une semaine pour voir son état. Tous les frais ont été à notre charge car il n’avait pas d’assurance.
Alors, encore mer­ci et que Dieu vous bénisse, vous les béné­voles et aus­si vos familles. » Fran­çoise

Une de mes sœurs, âgée , et un ami très proche, encore jeune, s’a­vancent inexo­ra­ble­ment sur la pente mys­té­rieuse du « retour à l’en­fance ». Le confi­ne­ment a visi­ble­ment accen­tué ce glis­se­ment. Nous essayons de les accom­pa­gner dans cette marche, à leur pas, tout en les sti­mu­lant, sans les humi­lier. Michel

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